Il pouvait sembler téméraire d'écrire une « histoire de la rhétorique dans l'Europe moderne » (p. 1), alors que deux traditions, celle des théoriciens de la rhétorique et celle des historiens de la littérature ou de la société, s'ignorant mutuellement, mettaient à distance l'histoire littéraire et sociale, et les traités et la réflexion rhétoriques. Rares étaient ceux qui, tel Erich Auerbach, tard connu en France, avaient su lier ces différentes disciplines et tenté de dévoiler les rapports existant entre littérature et société par la médiation rhétorique (p. 12). A vrai dire, des travaux pionniers comme ceux de Ernst-Robert Curtius pour le Moyen Age, et de Paul Bénichou pour le xviie siècle puis pour le xixe (p. 17), nous avaient appris à dépasser le cadre des littératures nationales, à considérer des ensembles comme la « romanité » étendue de l'Antiquité tardive à la Renaissance, à remarquer plus précisément que la notion de « littérature » était moderne : « sacré » au xixe siècle, comme le montrait Paul Bénichou (pp. 17, 29), l'écrivain n'avait pas au xviie siècle sa place en tant que tel dans une « république des lettres » où philologues et savants écrivaient pour atteindre une vérité dans l'ordre du savoir, non pour goûter le plaisir de l'écriture.